Stefan Zweig : Enjeux de la construction européenne

Stefan Zweig était-il visionnaire ? Sa capacité d’analyse de la réalité de son époque lui a permis de voir le devenir de l’Europe. Le 23 novembre 1923, il écrit une lettre  pleine d’optimisme à Heinrich Meyer-Benfey. Cette analyse nous fait réfléchir, à l’aube du brexit et des mouvements de certains nationalismes, sur les vrais enjeux de l’Europe.

« Je crois que la question de la constitution d’un Etat européen n’est l’affaire que de 50 à 100 ans maximum, et qu’alors, par nécessité commerciale et matérielle, on verra apparaître en face des Etats-Unis d’Amérique les Etats-Unis d’Europe. Cet espoir ne repose pas sur un idéalisme confus mais, au contraire, sur une conviction née de considérations de mathématique et d’économie nationale. A terme, il est impossible que les Etats-Unis d’Europe emploient 40 millions de personnes et les déguisent en douaniers, soldats, consuls etc., alors qu’en Amérique ces mêmes 40 millions sont non seulement nourris par le monde économique mais produisent eux-mêmes. C’est pourquoi la question des frontières me semble si indifférente, car elles perdront d’elles-mêmes leur valeur : la seule chose qui importe, c’est que la culture, que l’esprit perdure, et c’est là et non dans la politique que réside la véritable mission de tous les Allemands véritables » p. 125.

Stefan Zweig, Correspondance 1920-1931. Paris : Éditions Grasset, 2003, 395 p.

« Creo que la cuestión de la constitución de un Estado europeo es un asunto de tan solo 50 a 100 años como máximo y entonces, por necesidad comercial y material, se verá aparecer frente a los Estados Unidos de América los Estados Unidos de Europa. Esta esperanza no se basa en un idealismo confuso sino, al contrario, en una convicción originada por consideraciones de matemática y economía nacional. En última instancia, es imposible que los Estados Unidos de Europa empleen a 40 millones de personas y las disfracen en aduaneras, soldados, cónsules etc., , mientras que en [Estados Unidos de] América esos mismos 400 millones no solo son alimentados por el mundo económico si no que ellos mismos producen. Por ello,  la cuestión de las fronteras me parece tan indiferente, pues perderán por sí mismas su valor: lo único que importa es que la cultura, el espíritu perdure, y es allí, y no en la política, donde reside la verdadera misión de todos los verdaderos alemanes » p. 125.

Stefan Zweig, Correspondance 1920-1931. Paris : Éditions Grasset, 2003, 395 p.

Traducción: Marlene Moret