La participation des autorités lors d’une commémoration officielle est plus que symbolique. Jordi Soler, écrivain et journaliste mexicain, souligne la quasi absence des autorités espagnoles à l’inauguration du Mémorial de Rivesaltes, dans les Pyrénées Orientales, camp où furent concentrés environ 20 ooo exilés espagnols après la défaite des Républicains à la fin de la Guerre Civile espagnole, le 1er avril 1939. Ce centre de rétention est ensuite devenu, sous le régime de Vichy, un camp de concentration pour des Juifs et des Gitans.
Les frontières sont franchies par les populations lorsqu’un peuple voit atteints ses droits civils, son droit à avoir une vie digne et lorsque sa survie même est menacée : cette question a un écho très fort dans l’actualité.
http://internacional.elpais.com/internacional/2015/10/16/actualidad/1445015250_252754.html
La lecture de cet article me rappelle un écrivain hautement représentatif de la lutte pour la Mémoire et les valeurs de la démocratie. Jorge Semprún dans son livre autobiographique Le Grand Voyage (publié en 1963), écrit que lors de la libération du camp de concentration de Buchenwald il avait eu une sorte d’aphasie face aux événements qu’il venait de vivre, face aux regards apitoyés. Le récit de son voyage en train de Compiègne à Buchenwald est à la fois le récit de ses sentiments au moment de la libération des camps et une réflexion au présent, vingt ans après. Si en 1945 il ne voulait pas parler de l’histoire de Buchenwald, en 1963, il fallait le faire, il fallait témoigner. L’écriture du Grand Voyage lui a servi à exorciser l’oubli, car sans l’écrit le temps peut effacer l’Histoire. Et il faut ajouter avec force aujourd’hui que si les monuments, témoins de ce passé, ne sont pas conservés, et si les autorités les plus représentatives et symboliques d’un pays ne s’y rendent pas pour un événement commémoratif, on court le risque de ne pas transmettre aux jeunes la mémoire d’une histoire qui éclaire le présent.
Marlene Moret